jeudi 10 janvier 2008

A toi, dans ton appartement.

Swann, Barbara, Bastien, Cindy, Emeline et Claudia. Ce sont des prénoms que je vais oublier. J'oublierai certainement aussi leurs visages. Mais leurs histoires, je crois qu'il en restera forcément une trace dans ma mémoire.

Je viens de les découvrir sur mon petit écran. Ce soir, France 2 a diffusé son émission traditionnelle du jeudi, Envoyé spécial, consacrée à ces jeunes adultes âgés de 20 ans, à peine pour certains. J'avoue que ce reportage m'a réellement secoué. J'étais en train de me gaver dans mon appartement chauffé, lorsque j'ai mis un pied dans leur univers qui est celui ou je circule souvent : la rue. Ce qui nous différencie, c'est qu'eux y vivent.

Ils y ont atterri pour des raisons diverses que certains d'entre-eux cumulent : échec à trouver un emploi, absence de qualification, rupture avec leurs parents, absence de famille, ... leur âge les empêches de prétendre au RMI. Peu d'organismes existent pour les prendre en charge, hors de l'urgence. Les quelques rares établissements qui existent n'ont pas la possibilité d'absorber cette réalité.

Leur quotidien m'est donné à voir, ou plutôt à apercevoir. Je ne saurai probablement jamais ce qu'ils vivent. L'image qui m'en a été donnée ce soir n'est évidemment que partielle : la réalité est encore pire. Mais cela a suffit à me bouleverser. Non, ce n'est pas une découverte. Je ne vis pas à Disneyland, je connais les réalités de ce monde. Mais ce soir, je me la prends en pleine face. Je ne peux pas détourner le regard. Je ne peux pas continuer mon chemin. Ils sont chez moi, par l'intermédiaire du téléviseur. Moi qui vis dans le confort et qui n'ai pas d'inquiétudes quant à mon avenir.

Swann a fuit sa famille d'accueil où il subissait les coups, aujourd'hui il
fuit les centres ou il est agressé en raison de son jeune âge. Il est épileptique et quasi sans traitement. Lorsqu'il obtient des sandwichs dans une boulangerie : il fait le tour de la ville pour les distribuer à ceux que l'on appelle les SDF.

Barbara et Bastien ce sont rencontrés dans la rue. Eux aussi sont en rupture familiale ou tout simplement n'en ont pas. Ils ne trouvent pas d'emplois. Le cercle vicieux de la précarité s'est refermé sur eux. Leur seule richesse est d'être deux. Ca leur laisse briller une lueur dans les yeux. Ils réussissent donc à ne pas baisser les bras. Sans jamais avoir fait la manche, ils survivent. Et traversent la ville dans tous les sens pour réussir à s'en sortir ... ou pour fuir la misère qui leur court après.

Cindy a elle aussi été mise à la porte par sa famille. Elle vit depuis dans la rue. Face aux menaces des proxénètes, sa seule protection sont son chien et la fuite. Elle se réfugie dans la défonce au Subutex, en rêvant d'une vie que la plupart d'entre nous qualifierait de routinière.

Emeline. La plus surprenante de ce reportage. Elle a quitté sa famille et prétend avoir fait le choix de la rue et des squats. Une crise d'identité, une soif de liberté qu'elle pense ne pouvoir assouvir que loin des contraintes. Elle rêve d'une vie différente de celle qu'elle voit autour d'elle : "voir du pays" comme elle dit. Mais la morsure des
difficultés de la rue la ramène à une cruelle réalité pour les yeux d'une jeune fille qui se veut rebelle, mais désemparée.

Claudia est la touche d'espérance du reportage. On la découvre s'installant dans un appartement après deux années de vie dans les rues. Elle a réussit, suite au décès de son compagnon, à réagir et être intégrée dans un processus de réinsertion, qui lui a permis de trouver un emploi. Un nouveau départ qui, d'après elle, est celui de la dernière chance. Malheureusement, la situation et l'emploi restent précaires. On apprend par le réalisateur du reportage, que depuis, le bail de son logement n'a pas été renouvelé. Elle a retrouvé un emploi in extremis, mais ce dernier et sa situation ne lui permettent pas d'avoir un logement : elle est de retour dans un foyer.

Chacun d'entre eux est éloigné de l'image du SDF que l'on se fait souvent. Ils s'expriment clairement, avec un vocabulaire adapté et décent. Ils se battent avec leurs armes. Ils en sont beaux.

Culpabiliser, avoir mauvaise conscience ne sert au fond à pas grand chose. Ce n'est pas ça qui apportera de l'eau à leur moulin. Ils sont cependant entrés dans ma mémoire. Même si le cocon de ma vie adoucira ce souvenir, ce soir, ils m'ont ému. Je me dis qu'a défaut de pouvoir sauver le monde, je suis encore humain.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

moi aussi ca m'a complètement secouée,après l'émission je me suis inscrite sur un site de bénévolat. D'autant plus que je fais partie de ceux à qui ce genre d'issue pend au nez (moins de 25 ans donc pas de rmi, actuellemnt à 3/4 de smic et sans qualification...). Bien que dans une merde noire question revenus, je me dis qu'il faut se battre quand même pour ceux qui sont dans des situations pires...solidarité! merde, faut agir!

DAN a dit…

C'est pas plus mal de se prendre ce genre de claque de temps en temps... Et quand tu rencontres une de ces personnes dans la réalité, qui a vécu ou vis encore dans cette situation, c'est encore plus déstabilisant... vis à vis de ta propre situation...

Underscore a dit…

c'est dommage, ça ne devrait pas passer à la télé pour que tu t'en rende compte.
Quant aux foyers, c'est vrai que l'idée pour des gens qui ont presque tout, c'est la solution, mais c'est pire que tout. Parce qu'ils ne proposent pas de solution, pas de sécurité, rien, un lit et encore, 1douche à partager avec 80gars...top.. et le matin, réveille à 6h30 et à 7h tu décolles en camionnette et le même gars t'amène à 20-30 klms de ta ville parce que tu comprends, faut nettoyer les rues !! bref tout ça pour dire que oui, ton texte est sublime tendre mais aussi déplacé, presque vulgaire et que beaucoup vont répondre 'oui patati patata' mais personne n'y changera rien, et c'est là où le bât blesse.

La Girafe a dit…

J'ai vu le reportage aussi, et en est été touchée, émue et révoltée.
Le RMI à 25 ? C'est de la connerie.
Les foyers ? C'est dangereux et déshumanisé.
Underscore, ok, on fait tous au même constat. Et comment on fait pour avancer, t'as des idées ?
Le texte qui a été écrit à le mérite d'exister, et de peut être sensibiliser des gens qui ne le sont pas. Donc, non, il n'est pas vulgaire.

Anonyme a dit…

C'est juste un peu poussé de dire que ce texte est déplacé, voir vulgaire.
Ce qui l'est par contre c'est de nier, voir tourner le dos à cette réalité.
Ce qui l'est c'est d'avoir éteint sa tv après se reportage, et avoir oublié.
Ce qui l'est, c'est cet individualisme dans lequel on vit.

On peut dire ce que l'on veut, mais au moins, il aura eu le mérite d'en toucher certains, et de ce fait, changer le regard, savoir que ca peut nous arriver a tous. Et que l'on peut aussi aider.
Souvent les causes ne sont pas importante, mais seul les effets ont leurs importances.
D'ou ce texte et son auteur.

Underscore a dit…

'changer le regard, savoir que ca peut nous arriver a tous' alors, vis le, et on en reparle. Et là, vous comprendrez le sens du mot vulgaire.

Underscore a dit…

Et pour te répondre 'La Girafle' oui j'ai des idées. Je sais ce que j'aurai aimé.

Anonyme a dit…

Underscore je connais un peu le(s) sens du mot vulgaire.
Par contre, il ne suffit pas d'avoir vécu une situation pour en avoir une idée ou un avis. Parce qu'on parlerait de pas grand chose...
Je voulais simplement dire, que si après ce reportage, 1 personne sur 1000 s'est senti touché, voir concerné, c'est aussi un début vers un autre regard sur ces personnes, que l'on cotoie dans l'indifférence.

Celui qu'il ... a dit…

- à tous : Je pense avoir tout dit sur ce que ce reportage m'a inspiré. Je ne ressens pas l'envie d'en préciser davantage ici. En revanche, je lis attentiement vos messages.
Je vous laisse donc débattre, tant que cela reste respectueux de chacun.